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25 janvier 2012 3 25 /01 /janvier /2012 20:37

Extrait du tome XXIII du journal L'ILLUSTRATION du 21 Septembre 1929

PRÉHISTOIRE AU MUSÉUM DE CHICAGO
Le directeur du muséum de Chicago, M. Stephen C. Simms, vient de prendre, dans le domaine de la préhistoire, une intéressante initiative - celle de reconstituer la fameuse grotte du Moustier (Dordogne), avec un groupe de personnages représentant une famille de la race de Nean¬derthal, généralement considérée comme la plus ancienne race d'hommes dont on ait retrouvé des traces.
C'est à la suite de la récente expédition archéologique en Europe du capitaine marshall Field — expédition placée sous la direction de
M. Henry Field, professeur au muséum de Chicago — qu'a été décidée cette reconstitution préhistorique. Elle a été réalisée d'ailleurs en grande partie d'après les avis des professeurs Arthur Koith, du Collège royal de chirurgie de Londres et G. Elliott-Smith, de l'Université de Londres ainsi que de M. Marcel Boule, professeur au muséum à Paris, et de M. l'abbé Breuil, dont le nom en matière de Préhistoire, fait autorité. Somme toute, même si elle ne correspondrait pas à une réalité absolue, elle a pour elle tout ce qui compte dans ce domaine, depuis quelques années si fertiles en polémiques, des études préhistoriques et réalise, pour le moins, une sorte de triplice scientifique fort imposante...
Un sculpteur, attaché à l'expédition, M. Fre¬derick Blaschke, de New York, a imaginé et sculpté le groupe qui anime la grotte célèbre. Au delà de celle-ci, sur le mur de la salle, un peintre du muséum de Chicago, M. C. A. Corwin, a figuré le rude et primitif paysage des hauts rochers surplombant la rivière de la Vézère aux alentours immédiats du Moustier.
Cinq personnes composent la famille pré¬historique du Moustier, devenue celle de Chicago : le père, âgé d'environ cinquante-cinq ans, pré¬cisent nos amis d'Amérique ; une femme, d'une trentaine d'années, tenant un bébé dans les bras ; un adolescent de douze ans, et un vieillard. Par la variété de leurs occupations, leurs poses un peu appliquées, ils rappellent ces ensembles symbolisant la soirée d'une famille bourgeoise qui figuraient en tête de certains périodiques en vogue entre 1840 et 1880...

NeandertalChicago.jpg
La grotte du Moustier et ses habitants préhistoriques, reconstitués par M.F. Blaschke, au muséum de Chicago vers 1929.


Le père revient de la chasse ; il tient encore d'une main l'arme de pierre primitive avec laquelle il a tué le renne couché à ses pieds. Le jeune garçon, faisant preuve d'un robuste appétit, achève de ronger un os, et le vieillard, accroupi devant le feu, dégraisse une peau d'animal qui deviendra, sayon ou couverture.
Certes, il serait dangereux, surtout après les incidents de Glozel, d'affirmer que nous avons là l'impeccable reconstitution d'une histoire que d'aucuns voudraient faire remonter à cinquante mille ans... Du moins les figures animées par M. Frederick Blaschke ont-elles été établies d'après des mensurations, voire des moulages de crânes et squelettes de la race de Neanderthal conservés actuellement en Europe.
Au vrai, nos ancêtres ne sont point flattés : des masques prognathes, des bras simiesques, une tête engoncée dans les épaules — bref, une humanité mal dégagée, en ce début du quaternaire, de la terre « encore molle du déluge ».
Il arrive que des « parents dénaturés » refusent de reconnaître leurs enfants. Renversant les termes de la situation, miss Europe et miss Amérique, si jamais elles vont au muséum de Chicago, refuseront-elles de reconnaître en la femme aux cheveux broussailleux et au faciès bestial de la famille préhistorique, leur lointaine aïeule?

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